Aspect économique de la gratuité des transports métropolitains
Il faut bien enregistrer le fait que nous ne sommes plus sur 5 budgets de territoires additionnés (5 puisque le Pays de Martigues et le SAN Ouest Provence avaient mutualisé
leur réseau transport) mais sur un budget métropolitain des transports urbains, interurbains et scolaires.
Il se traduit chaque année par un budget annexe qui globalise dépenses et recettes. Pour le budget 2018,
les données sont les suivantes :
652 M€ en dépenses de fonctionnement
120 M€ en dépenses d’investissement, dont 85 M€ en équipements + 25,5 M€ en
charges financières de remboursement et 9,5 M€ en dépenses d’ordres.
Les recettes essentielles de fonctionnement pour couvrir les dépenses se ventilent
comme suit :
334 M€ du versement transport : 51%
125 M€ de participation d’équilibre de la métropole : 19% ‐ et 67,5 € par habitant
57 M€ des dotations et participations ‐ Etat, Départements, Région, Communes : 9%
120 M€ recettes voyageurs : 18%
C’est sur cette dernière ligne de recettes voyageurs de 120 M€, qu’intervient le coût d’un accès gratuit généralisé.
Tout en sachant que sa mise en oeuvre génèrera un triple mouvement :
> Une hausse de la fréquentation qu’il faudra assumer par une hausse de l’offre de TC (à évaluer avec l’expérience du Pays d’Aubagne)
> Une baisse des dépenses de fonctionnement, de par la suppression des titres de transports (entre 1 et 1,5 M€ probablement), du contrôle et de la répression des fraudes
(probablement entre 25 et 30 M€) sachant évidemment, qu’il faudra ré‐affecter tous les agents RTM aujourd’hui en charge de la fraude.
> Un report modal bénéfique à la réduction des dépenses de voiries, de santé et d’environnement, par exemple l’entretien des façades
Pour compenser la suppression des 120 M€ de recettes voyageurs, il faut agir sur les 3 autres sources essentielles de recettes.
1°) Le Versement Transport
La participation des entreprises au fonctionnement des TC est actuellement plafonnée à
2% sur tout le territoire de la métropole AMP et repose uniquement sur une assiette
« personnels » à partir de 11 salariés.
Or en région parisienne le taux du VT est revu régulièrement à la hausse, pour atteindre aujourd’hui 2,95 % sur Paris et le département des Hauts de Seine.
Puisque le gouvernement nous a voulu Métropole ‐ et de surcroît une des 3 métropoles à statut particulier avec Paris et Lyon ‐ dont il attend un rayonnement national et
international dynamique, il faut qu’il nous permette d’accéder à des ressources économiques à la hauteur de cette attente. Il lui appartient de proposer cette possibilité
de variation du VT, voire de modifier l’assiette de prélèvement du VT.
Cette possibilité d’augmentation pourrait s’appliquer uniformément sur tout le territoire métropolitain ou, comme en région parisienne, d’une manière différenciée en
fonction des bassins d’emplois et des flux de déplacements. Par exemple : 2,95 % pour une zone comprise entre Marseille, Aubagne, Aix et Vitrolles‐Marignane et d’autres taux
décroissants jusqu’à 2% sur les autres territoires.
C’est la possibilité d’une recette supplémentaire du VT qui peut aller jusqu’à 155M€/an.
Autrement dit, sur la base de la prévision budgétaire 2018, de quoi couvrir la généralisation de la gratuité. Voire de dégager un delta pour l’investissement, si minime soit il.
2°) La participation d’équilibre de la métropole
Elle est aujourd’hui à hauteur de 67,5 € par habitant.
Dans l’état actuel de faiblesse des ressources financières d’Aix Marseille Provence, il n’est pas concevable d’augmenter sa participation d’équilibre à hauteur de 125 +120 M€
= 225 M€ pris sur le budget général donc sur les ressources financières et fiscales
‐ Soit 121 € par habitant.
Cependant, d’autres métropoles ont une participation aux dépenses de transports par habitant nettement plus élevées, qui avoisine pour certaines ce niveau par habitant.
Entre 67,5 € par habitant et 121 €, il y a une trajectoire de progression à envisager.
De plus l’harmonisation progressive des taux de fiscalités entre les 6 territoires va produire à terme une hausse des recettes.
Enfin, on ne se pose pas ce genre de question, quand il s’agit d’entretenir, de moderniser les milliers de kilomètres du réseau voiries dont l’usage est gratuit pour les
déplacements en véhicules particuliers.
Il serait intéressant d’arriver à chiffrer la moyenne des dépenses annuelles pour ce réseau viaire au regard de la participation de la métropole aux TC et examiner les
possibilités d’une inversion des priorités de dépenses.
En tout état de cause, il n’est pas envisageable d’aboutir à une pression fiscale supplémentaire sur les ménages ‐ en tout cas généralisée – vu les inégalités de la
richesse fiscale des territoires et la participation déjà importante des fiscalités ménages aux recettes du budget.
3°) Les dotations et participations Etat, Région, Départements, Communes.
Pour ce qui concerne l’Etat, il faudrait comprendre le système de calcul, car ses dotations ne sont pas équivalentes d’une métropole à l’autre.
On pourrait faire 2 propositions : augmenter les participations des autres collectivités proportionnellement à celle de la métropole et les indexer sur l’évolution des
fréquentations.
Un dernier argument économique renforce l’idée d’accès gratuit :
Les 120 M€ de recettes voyageurs proviennent des usagers pour l’essentiel et pour partie des employeurs qui sont dans l’obligation de participer pour 50% aux
abonnements de leurs salarié‐e‐s.
Cette somme constitue donc une augmentation du pouvoir d’achat des ménages et des touristes qui se retrouvera dans l’économie locale.
Elle est aussi une dépense en moins des entreprises qui compensera un peu l’augmentation du VT.
Augmentation du VT qui a été généralisé à 2% en 2017 et qui n’a pas suscité une levée de boucliers des entreprises dans la mesure ou ça permet un meilleur service des TC.
De plus, il est à noter qu’avec la disparition de la Taxe Professionnelle depuis 2011, les entreprises ont réduits pour moitié environ leurs participations fiscales aux EPCI. Rien
que pour le territoire Marseille Provence, la contribution fiscale ‐ hors VT – est passée de 302 M€ en 2010 à 155 M€ l’année suivante.
Reste une question qu’il ne faut pas éluder : Celle des investissements.
On peut nous objecter que toute augmentation des dépenses de fonctionnement se fait au détriment des dépenses d’équipement.
C’est une vraie question, car l’état existant des réseaux de TC est très en retard sur les nécessités actuelles de mobilité. Avec une enveloppe de 85 M€ en équipements la
métropole est très loin du niveau requis pour rattraper son retard. Il en faudrait 5 fois plus par an en moyenne sur 15 ans.
Ce qui a été réalisable sur le Pays d’Aubagne et de l’Etoile en conjuguant gratuité et construction du tramway par l’augmentation du VT, ne l’est pas sur l’ensemble
métropole, puisque l’hypothèse du VT augmenté sera quasiment absorbé par l’équilibre des dépenses de fonctionnement, comme indiqué plus haut.
Il faut donc rechercher d’autres sources de financement.
Du côté de l’Etat :
> Sa participation doit être d’un niveau comparable à celle du Grand Paris Express ou sa participation est autour du milliard d’€. A la clé plusieurs centaines de M€ pour la
réalisation de l’Agenda mobilité de notre métropole.
> Une mutualisation de la dette permettant à la métropole d’étaler son remboursement et d’accéder à un prêt sur le très long terme garantit par l’Etat.
Paris n’aurait jamais construit un réseau métropolitain sans ce recours à l’emprunt.
Marseille de même : Le remboursement du métro s’est éteint 35 ans après sa mise en marche. Personne ne s’en plaint, car il transporte 45% des voyageurs de la RTM.
Du côté privé : Par l’instauration d’une contribution exceptionnelle d’aménagement au travers de taxes. On pourrait mettre en place un produit reposant sur l’immobilier
d’entreprise, les bureaux et les surfaces commerciales, pour la durée des investissements.
Du côté des DSP :
La reprise en gestion publique des DSP qui touchent à la mobilité, au fur et à mesure des
fins de contrats de concessions.
A titre d’exemples :
1°) La RTM, établissement public métropolitain, a programmé, sur ses gains de productivité, une contribution de 150 M€ sur 8 ans pour la modernisation des rames de
métro ; tandis que le gestionnaire privé du réseau du Pays d’Aix, dont on vient de renouveler le principe de DSP, reverse ses bénéfices à ses actionnaires.
2°) Le péage du Tunnel Prado Carénage dont la concession prend fin en en 2025, rapporte aujourd’hui 11 M€ en bénéfice net distribuable aux actionnaires et pas moins
de 15 M€ quand l’investissement sera totalement remboursé en 2020. On pourrait prolonger ce péage à titre exceptionnel sur la durée des investissements de l’Agenda de
la mobilité.
Or, AMP s’apprête à prolonger sa concession de 7 ans et 11 mois en échange de la construction d’un allongement du tunnel vers le Bd SCHLOESING, en rien nécessaire à la
réalisation du Tramway vers le sud et contraire à l’orientation fondamentale des PDU et de l’Agenda de la mobilité : réduire la part des véhicules particuliers dans les
déplacements urbains.
3°) Les parkings en DSP : Rien que pour Marseille, les parkings en DSP ont dégagé un chiffre d’affaire total de 22,6 M€ en 2015.
17 d’entre eux ont reversé une redevance à MPM en 2015 à hauteur totale de 2,38 M€. Les bénéfices s’élèvent à 3,07 M€ et les pertes à 243.000 €. Soit 2,83 M€ nets pour 2015.
Sans compter les sommes qui peuvent remonter aux sociétés mères ou filiales avant impôts.
2,83 M€ / 22,6 M€ de CA = 12,5 % de rentabilité nette 2,83 M€ + 2,38 M€ = 5, 21 M€ ; on multiplie par 2 les recettes de ces parkings en les reprenant en gestion publique directe. A l’échelle métropole c’est sans doute 1,5 à 2 fois plus de recettes possibles.