Les équipes municipales qui se sont succédé à Marseille depuis plus de 60 ans ont considéré l’eau, bien essentiel à la vie, comme une marchandise et les usagers comme des consommateurs.
La gestion de l’eau a été concédée tout comme les parkings ou des salles de spectacle à des entreprises privées sous forme de délégations de services publics (DSP).
Il faut revenir sur ce type de gestion qui, non seulement appauvrit la ville et enrichit les actionnaires, mais prive les élus de leurs prérogatives et éloigne les citoyens de l’exercice d’une démocratie où ils peuvent gérer directement leurs besoins.
La « compétence » eau et assainissement a été transférée en 2000 de la Commune à la Communauté urbaine (MPM) ; transfert également de la gestion des eaux pluviales par convention.
Le 31 décembre 2013, les DSP, indignes et hors de contrôle, signées avec la SEM (filiale de Véolia) et la SERAM (filiale de Suez) en 1960 se sont terminées sans avoir été remises en cause ou interrompues pour motif d’intérêt général. Rien ne nous éclaire sur le sort des 62,1 millions d’euros de provisions pour gros renouvellement des canalisations, ni sur l’achèvement des objectifs contractuels. Le montant exorbitant des profits engrangé par les délégataires n’a jamais été encadré comme le prévoyaient même ces accords léonins.
Pourtant, à quatre mois de ces élections municipales, la majorité sortante PS UMP de la Communauté urbaine a voté l’attribution pour 15 ans de nouvelles DSP eau et assainissement à Véolia et Suez.
On peut douter de la réalité de la concurrence mise en œuvre dans cette désignation alors que les mêmes sociétés continuent sous d’autres formes, et que la transparence des négociations est refusée aux élus et aux usagers, sous prétexte de « secret industriel et commercial ».
Les résultats du « dialogue compétitif » opaque, mené par le Président Caselli pendant six mois, sont déplorables pour l’essentiel : une facture eau et assainissement qui sera en 2015 au même niveau qu’aujourd’hui, c’est-à-dire 20%plus cher qu’ailleurs ; des profits avoués pour les sociétés délégataires dans la fourchette haute, tandis que sont cachés d’autres revenus pour les sociétés-mères ; des fonctions de contrôle, par la Communauté urbaine, sur l’exécution des contrats, affirmées, mais sans financement.
Ces DSP n’intègrent toujours pas l’application du droit humain à l’accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène :
Pour les plus pauvres d’entre nous, planera toujours la menace de coupures.
Les Marseillais sans contrat de location ne pourront toujours pas se faire délivrer une adduction d’eau.
Dans l’espace public, la construction de deux fontaines par an ne parviendra pas à étancher notre soif.
Aucune toilette publique ne sera exploitée. Aucune douche publique gratuite ne sera édifiée.
La question de la place de l’eau dans notre ville, alors que s’ouvre une ère de réchauffement climatique avec ses épisodes intenses de sécheresse et d’inondations, n’est pas abordée autrement que par la construction de réservoirs de capacité insuffisante.
Eau Bien Commun PACA propose donc aux candidats et aux citoyens de remettre en cause ce type de conception à courte vue et de gestion qui jette aux orties les prérogatives publiques et l’intérêt général.
· Ces élections municipales doivent permettre de lancer un vaste débat public pour planifier, à long terme et démocratiquement, la place qu’il faut accorder à l’eau dans la ville. Il faut ainsi bâtir un plan pluriannuel.
§ Limiter les zones imperméables, infiltrer l’eau dans la terre pour recharger les nappes phréatiques, favoriser la végétation, source de fraîcheur, favoriser la création de jardins potagers urbains ;
§ En amont, préconiser des matériaux de couverture des surfaces et des dispositifs de collecte qui limitent la pollution des eaux pluviales, retardent leur écoulement et favorisent leur réutilisation ;
§ Mettre fin à l’utilisation des produits phytosanitaires dans l’entretien des espaces verts de la ville ;
§ Pour l’arrosage des espaces publics et privatifs, restaurer, rendre efficace et étendre le réseau d’eau brute ;
§ Développer les systèmes de réutilisation des eaux pluviales ;
§ Développer l’implication et la participation citoyenne dans ces dispositifs ;
§ Intervenir en appui des enseignants pour l’éducation à l’adaptation au changement climatique dans le domaine de l’eau.
· Il faut résilier les délégations de service public pour reprendre en main directement la gestion de l’eau potable et de l’assainissement en tant que bien commun et non source de profits.
C’est possible, car il existe une clause de sortie des contrats pour « motif d’intérêt général ». Elle nous oblige à payer les profits des délégataires jusqu’à leur terme, ce qu’aurait, de toute façon, dû faire la collectivité.
Mais nous éviterons de rémunérer les sociétés-mères selon les clauses scandaleuses de mutualisation qui masquent des profits équivalents.
· La forme juridique actuellement la plus propice à la gestion démocratique que nous désirons faire vivre, c’est la Régie à personnalité morale et autonomie financière. En effet, elle est dirigée par un Conseil d’administration qui, outre des conseillers communautaires, peut inclure des usagers et des représentants du personnel avec voix délibérative.
· Ces usagers pourraient être élus sur la base des institutions de démocratie de proximité, à mettre en place à Marseille, comme les Conseils de quartier.
· Comme principe de cette nouvelle gestion, il faudra inscrire, défendre et développer le Droit humain fondamental à l’eau potable et à l’assainissement tel qu’il a été reconnu par l’ONU en 2010.
§ Cela entraîne dans l’espace public, avec gratuité de l’usage :
o La création de nombreuses fontaines publiques où l’on pourra suffisamment s’abreuver.
o L’édification de toilettes.
o L’ouverture de douches publiques.
§ Leur nombre et leur localisation seront proposés par les conseils de quartier et arbitrés et mis en œuvre par la Régie.
§ Dans l’espace privé :
o L’interdiction de coupure pour impayé.
o La livraison d’un minimum d’eau potable qui ne devra pas être inférieur à 15m3/an/personne, et dont le volume supplémentaire éventuel sera fixé sur proposition des conseils.
o L’obligation de procéder à des adductions temporaires pour les usagers sans titre.
· La régie devra mettre en place des procédures d’autocontrôle
§ concernant la détection des polluants émergents de l’eau, en particulier des résidus médicamenteux à l’arrivée dans les usines de potabilisation, et à la sortie des usines de traitement.
§ Elle procèdera à un relevé en continu du niveau de radioactivité de l’eau, en liaison avec l’autorité de sureté nucléaire, à la sortie du réacteur de recherche construit à proximité de Cadarache.
§ Elle les publiera auprès des Conseils de Quartier, sans qu’il soit besoin d’en faire la demande.
· Pour tous les polluants nuisibles à la santé et aux écosystèmes,
§ La communauté urbaine développera une politique préventive en amont fondée sur la mutualisation de la recherche publique,
§ Mettra en œuvre un politique d’éducation à l’emploi des médicaments.
§ La régie déploiera les technologies d’élimination dans les usines de potabilisation et de traitement.
· Pour réaliser des économies d’eau nécessaires au regard des changements climatiques et des coûts, le programme de renouvellement des canalisations sera essentiellement préventif. Les pertes en réseau devront être graduellement réduites pour arriver à un rendement de 95% en 2025.
· Des dispositifs techniques d’économie seront fournis aux ménages.
· L’abonnement sera supprimé.
§ Tous les tarifs seront progressifs, et annuels pour la ville de Marseille.
§ Les tranches seront calculées en fonction de la composition du ménage.
§ La première tranche, évaluée à 15m²/an/personne sera gratuite ou très proche de la gratuité.
§ Le coût du m3 pour les autres tranches et leur volume seront à déterminer en impulsant un vaste débat public relayé par les conseils de quartier.
· En 2016, la loi sur la métropole Aix-Marseille entrera en application.
Elle prévoit que la compétence eau et assainissement lui sera obligatoirement attribuée. Ensuite, le Conseil métropolitain pourra la réattribuer aux Conseils de territoires.
Étant donné la présence de nombreuses régies dans l’aire métropolitaine, il faut mettre en œuvre ce transfert, veiller à la conservation et au développement des régies déjà existantes, et refuser le prétexte de la rationalisation pour généraliser les PPP.