Compte rendu par Bernard Lamizet :
La démocratie représentative et le suffrage universel sont-ils solubles dans « le tirage au sort des candidats ou des élus ? »
(Débat à l’Atelier des Arts, 15 février 2018)
Il devient urgent de réinventer la démocratie, en particulier parce que les institutions d’une société démocratique sont en crise, parce que de plus en plus de groupes et de personnes sont en situation d’exclusion, en raison, enfin, de l’absentéisme des élus et de l’éloignement de plus en plus de personnes des situations de pouvoir. Cela rend urgent de réfléchir aux formes d’exercice de la démocratie représentative et, en particulier, de s’interroger sur le bien-fondé de pratiques comme le tirage au sort pour répondre à ces formes d’exclusion.
- Nohumson (La France Insoumise)
Selon C. Nohumson, la question du tirage au sort est secondaire : ce qui importe, aujourd’hui, c’est de répondre à la montée des inégalités et d’engager les formes de disparition de l’égocentrisme. La démocratie n’est pas en mesure, aujourd’hui, de faire face à ces urgences. C’est ce qui rend nécessaire l’élaboration d’une nouvelle constitution, et, en particulier, sur la désignation des assemblées délibératives se fondant à la fois sur des listes élaborées et définies par les partis politiques et soumises au suffrage universel et sur un certain pourcentage d’élus désignés par tirage au sort pour constituer des formes de contre-pouvoirs. Enfin, la démocratie se fonde aujourd’hui sur la reconnaissance et l’exercice de nouveaux droits, comme le droit au logement, le droit à l’eau ou l’obligation de respecter l’environnement.
- Pellicani (P.C.F.)
- Pellicani rappelle que la démocratie représentative se fonde sur la désignation des représentants du peuple par un suffrage réellement universel. C’est ainsi, par exemple, que les immigrés qui paient des impôts devraient se voir reconnaître le droit de participer à la désignation des acteurs du pouvoir. Aujourd’hui, la démocratie est en crise, à la fois en raison de la multiplication des affaires et des formes diverses de la corruption et en raison de l’exclusion ou de l’éloignement de plus en plus de citoyens de la vie politique : c’est ainsi qu’E. Macron a été élu par 22 % des électeurs. C’est pourquoi il importe de modifier en profondeur les institutions et la démocratie pour éviter que, par l’éloignement d’un nombre croissant de citoyens, la vie politique ne devienne une forme de dictature. En particulier, il faut limiter le nombre de mandats dans le temps et dans le nombre de mandats dont dispose un acteur politique, il faut instituer une véritable représentation proportionnelle des citoyens par les élus, et assurer une parité réelle des institutions.
- Saint-jean (« Ensemble »)
Ce qui permet à la démocratie de s’exercer, c’est le débat, alors qu’aujourd’hui, la démocratie est devenue un système dominé par l’opinion, au lieu de l’être par l’échange des idées et des engagements. C’est, en particulier, par la raison que les élus doivent débattre avec leurs électeurs et débattre entre eux pour prendre les décisions qui engagent la société. Le tirage au sort, comme il est mis en œuvre, par exemple, dans la désignation des jurys d’assises, permet d’ouvrir la société politique et le débat à tout le monde sans exclusion. Enfin, une démocratie véritable se fonde sur la possibilité assurée de pouvoir changer les règles à tout moment.
Questions et débat
Il importe de mettre fin à l’éloignement des institutions du peuple. C’est ainsi, par exemple, que les communautés de communes doivent être fondées des projets précis qui engagent l’ensemble des citoyens. H. Saint-Jean rappelle, en particulier, que, selon P. Clastres, le chef doit se fonder sur le consensus autour de sa désignation, sur sa révocabilité et sur sa renonciation à ses droits personnels.
Selon C. Pellicani et C. Nohumson, il est temps d’élaborer collectivement une sixième république et d’associer les institutions politiques et les initiatives populaires comme ce qui se joue à Notre-Dame des Landes. Les élus doivent être désignés sur un programme et être révocables.
Un débat oppose les partisans d’une démocratie fondée sur le militantisme et l’engagement et ceux pour qui la politique est un métier qui s’apprend.
La question, enfin, est moins celle du tirage au sort qui ne répond par aux exigences de la démocratie car on ne peut s’en remettre au hasard pour désigner ceux qui exercent le pouvoir, que celle de la participation de tous à la vie politique et au débat et celle du contrôle des détenteurs du pouvoir.