Par Alain HAYOT,
(tribune à paraître et à lire dans le journal « LA MARSEILLAISE » de samedi 5 décembre)
Les attentats du 13 novembre nous font entrer dans une nouvelle ère. Elle doit nous conduire à mesurer, une fois de plus, l’urgence de penser l’avenir de notre société. Pour cela il nous faut affronter un obstacle redoutable, la peur. Elle s’installe subrepticement et son instrumentalisation devient un moyen de gouvernement, un levier pour s’y maintenir ou pour y accéder. Tout est bon en effet pour la susciter et l’entretenir. Les dernières en date, la peur sécuritaire et celle de la guerre s’ajoutent à la peur sociale qui ne désarme pas puisque le chômage est reparti à la hausse et à la peur climatique trop souvent présentée comme inéluctable.
Ajouter les peurs aux peurs, les attiser en créant une atmosphère dépressive dans le pays ne relève pas d’une démarche innocente. Nous la pensions réservé au Fn qui sait si bien s’en servir pour distiller son venin nationaliste et xénophobe et tenter de parvenir au pouvoir. Mais voilà que le Premier ministre et le président du Medef ont inventé une peur supplémentaire, la peur du Fn. Celui-ci serait devenu l’unique problème de la société française, le seul horizon de la vie politique. Répétons-le, diaboliser le Fn sert sa prétention à être le seul rempart au « système » et vouloir lui opposer un front prétendument républicain sans autre contenu que les thèses du Medef et l’idéologie guerrière, ne fait que conforter sa dénonciation de « l’Umps ». D’autant que nous avons affaire, en réalité, à une promotion du Fn à des fins politiciennes et électoralistes. Preuve en est l’odieux amalgame qui est fait par le Medef entre le Fn et le Front de gauche.
Il faut se rendre à l’évidence, le Fn n’a pas le monopole de l’exploitation politique des peurs. Nous savions déjà que la droite, républicaine par antiphrase, s’est engouffrée dans cet exercice où excellent désormais Sarkozy et Estrosi et quelques autres. Mais force est de constater que le pouvoir y voit aussi le moyen de provoquer un réflexe légitimiste et plébiscitaire autour du chef de l’Etat dans la perspective de 2017. De la prolongation de l’état d’urgence à sa constitutionnalisation, de l’interdiction de manifester à la fermeture arbitraire de lieux de culte, de la déchéance de nationalité aux assignations à résidence, c’est aujourd’hui la République qui est attaquée, la démocratie qui est menacée.
Surmonter la peur relève désormais d’une urgence politique absolue si l’on veut retrouver l’espoir et la confiance populaire dans la recherche et la construction d’un autre avenir que la domination sans partage du capital et « la guerre des civilisations ». Notre peuple a les forces en lui pour le faire en opposant aux peurs et à leur instrumentalisation la force des idées émancipatrices et le rêve d’un monde, d’une Europe et d’une France de l’égalité, de la liberté et de la fraternité.
Faisons-le dans les urnes, en favorisant la reconstruction d’une gauche sociale, écologique, citoyenne et culturelle face à ceux qui dénaturent la politique au profit de misérables calculs électoralistes.
Faisons-le dans les luttes en ne lâchant rien face au cynisme patronal, aux prédateurs du climat et de la planète, aux fauteurs de de guerre et de haine.
Faisons-le dans le débat des idées et des imaginaires pour donner à nos valeurs humanistes la force matérielle de renverser l’ordre établi.