Avec l’allocution du Président de la République lundi, votre discours de politique générale était censé nous annoncer le grand renouveau que vous avez tant promis aux Français.
Nous avons beau tendre l’oreille, ce n’est pas le souffle du renouveau que nous entendons, mais des refrains usés. La nouvelle orchestration n’y change rien.
Le macronisme était paraît-il une révolution. Versailles a remis les pendules à l’heure. C’est en vérité une nouvelle synthèse : du sarko-hollandisme ou du hollando-sarkozisme, au choix.
Pour révolutionner notre politique, il aurait fallu envoyer un signal clair de rupture avec la dérive présidentialiste de notre régime : cet anachronisme qui consiste au 21ème siècle à concentrer toujours plus de pouvoirs dans les mains du seul Président de la République. Il aurait fallu dire aux Français : nous allons vous rendre du pouvoir, instaurer de nouveaux droits d’intervention des citoyens dans toutes les décisions, de nouveaux droits des salariés dans l’entreprise pour que ce ne soient plus les seuls intérêts de la finance qui décident. Voilà ce qui aurait été une entrée en matière révolutionnaire !
Il aurait fallu envoyer un signal de confiance au Parlement et non une convocation à Versailles, pas un discours monarchique où le Président parle et, tel un monarque, se retire, non sans avoir signifié aux parlementaires qu’ils sont trop nombreux, comme serait inutile le Conseil Économique et Social Environnemental.
Pour alimenter son moulin anti-parlementaire, le Président de la République a fustigé l’inflation législative pour justifier la réduction du débat démocratique. C’est l’hôpital qui se fout de la charité. Nous avons combattu ici même un monstre législatif de 400 articles, tous écrits sous la dictée des intérêts patronaux, la fameuse loi Macron adoptée par 49-3, celle qui, aujourd’hui, oblige à travailler le dimanche, qui autorise la privatisation de nos aéroports régionaux, qui facilite les licenciements, qui a affaibli l’inspection du travail… et j’en passe.
Oui, voilà des lois dont ne voulaient pas les Français, mais que le Président-ministre nous a imposées il y a trois ans.
Comptez donc sur nous, Monsieur le Premier Ministre, pour résister à l’inflation législative produite par les lobbys des grands intérêts capitalistes et pour multiplier les propositions qui redonneront du pouvoir et de nouveaux droits à la grande majorité des citoyens. Mais ne comptez pas sur nous, pour faire allégeance à la dérive autoritaire de nos institutions. Comptez plutôt sur notre ferme opposition.
Vous voulez, pour commencer, casser le Code du Travail en nous privant du débat parlementaire qu’appelle un chantier d’une telle importance. Nous voterons contre l’habilitation des ordonnances. Nous ne nous dessaisirons pas de notre pouvoir légitime de légiférer. Nous ferons tout pour révéler aux Français la nature véritable de votre projet.
L’été, symbole des congés payés gagnés de haute lutte par les travailleurs, ça n’est pas fait pour casser le Code du Travail en catimini dans le dos de ceux qui suent au labeur toute l’année et qui prennent un repos légitime avec leurs familles.
Pour rendre au pays l’espoir auquel il aspire, inventer un nouvel avenir social, productif et écologique, il ne faut pas, comme vous l’avez dit hier, désintoxiquer le pays de la dépense publique. Sous le quinquennat précédent, l’investissement public a chuté de 25 %. Pour quel résultat ? Il faut le désintoxiquer de la finance, de la prédation des richesses du pays par les exigences d’une rentabilité financière à courte vue.
Vous ne dites rien de l’évasion fiscale, qui coûte 80 milliards par an au pays, rien de la résolution votée à notre initiative par l’Assemblée nationale pour une COP fiscale mondiale, rien de l’explosion des 500 premières fortunes professionnelles françaises, rien du rôle défaillant des banques et de leurs critères de crédit… Et vous parlez de moraliser la vie publique ! Mais l’indécence de l’argent, elle crève les yeux !
Non, vous proposez d’en rajouter, toujours et encore au nom prétendument de l’emploi : allégement de l’ISF, baisse de l’impôt sur les sociétés, transformation du CICE en baisse de cotisations patronales pérennes. Quant aux salariés et aux retraités, c’est l’inverse : transferts des cotisations sociales vers une hausse massive de la CSG, et gel du point d’indice des fonctionnaires.
Vous et le Président de la République parlez de « ceux qui ne sont rien », de « ceux qui sont installés », de ceux qui ne devraient pas se résoudre à être des assistés… Mais savez-vous vraiment de qui vous parlez ?
9 millions de nos concitoyens vivent en dessous du seuil de pauvreté à cause du chômage et de la précarité que génère votre modèle économique.
Plutôt que de casser le Code du Travail, nous vous demandons l’inscription à l’ordre du jour du Parlement de notre projet sur la sécurisation de l’emploi et de la formation, et nous vous demandons la convocation de deux grandes conférences sociales, l’une sur le relèvement des salaires et des qualifications, l’autre sur la lutte contre l’exclusion et la grande pauvreté pour élaborer avec les associations et les syndicats des plans d’action cohérents et pluriannuels.
Oui, dans ce pays, on ne doit plus travailler pour un salaire de misère, on ne doit plus être expulsé de son logement parce qu’on ne parvient plus à le payer.
Vous avez fustigé dans votre discours les aides au logement. Mais le pays manque cruellement d’aides à la construction de logements et à la rénovation thermique de l’habitat. Attaquez-vous plutôt au détournement massif des fonds publics vers la promotion immobilière spéculative !
Pour répondre à l’espoir du pays, Monsieur le Premier ministre, il faudrait être audacieux en matière d’égalité. Le temps est venu de nouveaux droits.
La France rend aujourd’hui hommage à Simone Veil. Soyons à la hauteur de l’audace qui fut la sienne. Quarante ans après la loi qui porte ce nom, franchissons une nouvelle étape.
Nous proposons qu’à la faveur de la réforme constitutionnelle qui s’annonce, le droit à l’avortement soit désormais inscrit dans notre Constitution!
La cause des services publics est un autre pilier de la lutte pour l’égalité.
Vous n’annoncez aucun moyen nouveau pour l’école et encouragez, au contraire, un pragmatisme et une autonomie des établissements qui masquent la mise en cause de l’unicité de notre système éducatif et renoncent à la lutte contre les inégalités.
Et en matière de santé, vous masquez derrière vos annonces sur les vaccinations ou la promesse de meilleurs remboursements forfaitaires pour les lunettes ou les aides auditives, la poursuite de restructurations hospitalières dévastatrices pour la couverture des besoins sanitaires.
Ce qui aurait été réellement innovant, Monsieur le Premier ministre, en rupture véritable avec les quarante dernières années, c’est un grand plan d’investissement pour les services publics, le développement industriel et la transition écologique !
Vous annoncez un plan de 50 milliards d’euros, une somme qui sonne rond mais bien dérisoire au regard des enjeux pour les cinq années à venir, pendant que vous n’hésitez pas, dans le même temps, à annoncer une baisse de 3 % du PIB de la dépense publique, qui représente 65 Milliards d’euros ! Un véritable massacre en perspective.
Dans ces conditions, de quel sens résonne ce que vous nous annoncez sur l’avenir de nos territoires ? Refusons le fossé qui se creuse, dites-vous…
Soit, mais comment agir sans une ambition d’égalitésur tout le territoire, sans un moratoire immédiat des réductions de dotations et des fermetures de services publics pour que plus personne, qu’il vive dans un quartier populaire, en zone rurale, dans la périphérie des villes, ne se sente abandonné, délaissé, méprisé, tel un citoyen de seconde zone.
Vous annoncez une conférence des territoires. Mais pour quoi faire ? Pour réduire à deux sous les régions les niveaux de collectivités, avez-vous dit ? Traduisons, cela veut dire ou la mort des départements ou le regroupement massif des communes privées d’ailleurs de leurs compétences d’urbanisme, autrement dit la généralisation d’intercommunalités et de métropoles appelées sans cesse à grossir, et à éteindre le maillage démocratique de notre territoire.
Conscient vous-même de l’impasse dans laquelle vous conduisez la plupart des communes, vous commencez à tergiverser sur la suppression de la taxe d’habitation : pour une raison simple, vous ne savez pas comment compenser cette perte de revenus mortelle pour les communes.
Quant aux Assises de l’Outre-Mer, je vous alerte, Monsieur le Premier Ministre. Les territoires d’Outre-Mer souffrent durement. Sans résultat, la colère sera grande. Il est temps d’entrer dans un nouvel âge, de donner aux collectivités d’Outre-Mer les moyens de maîtriser leur avenir, avec plus de responsabilités, plus de compétences et un fonds de développement pour bâtir un projet durable et cohérent. Ne manquons pas ce rendez-vous avec l’histoire.
Enfin, Monsieur le Premier Ministre, être à la hauteur de l’époque serait faire de la France une grande messagère de la paix et de la solidarité dans le monde.
Au lieu de cela, vous nous annoncez l’inscription des dispositions de l’état d’urgence dans notre loi commune, et une augmentation de 2 % du PIB des dépenses militaires, vous conformant servilement aux injonctions de l’OTAN.
N’est-ce pas là d’ailleurs la vraie raison de l’invitation de Donald Trump le 14 juillet à Paris, car j’imagine que ce n’est ni sa volonté de fêter avec nous la prise de la Bastille, ni son action révolutionnaire contre le réchauffement climatique qui lui vaut cette invitation ?
Monsieur le Premier Ministre,
Vous avec salué hier le courage tranquille des Français. C’est un de nos rares points d’accord.
Comptez sur nous pour donner aux Français le courage de rêver et de continuer à agir pour un monde meilleur.
C’est à eux, à ce jeune qui se demande de quoi sera fait demain, à cette jeune infirmière qui ne compte plus ses heures et ses nuits de travail, à cette ouvrière de l’agro-alimentaire, à ce chauffeur Uber, à ce cadre méprisé par sa direction, que les parlementaires communistes accordent aujourd’hui leur confiance. Notre addiction elle est pour eux, et certainement pas pour la petite minorité des puissants.