Intervention d’Audrey Garino pour le PCF
Débat La Marseillaise 18/02/2017
Liberté et pluralisme de la presse
Je voudrais tout d’abord ici réaffirmer, mais personne n’en doutera, mon attachement à La Marseillaise, en tant que communiste bien sûr, mais peut être et surtout en tant que citoyenne et habitante d’une ville comme Marseille.
J’y suis attachée de par son histoire évidemment mais surtout parce que venant d’une région où la presse régionale ne souffre d’aucun pluralisme, il m’apparait indispensable qu’un journal indépendant, libre de toute puissance financière et/ou industrielle puisse apporter un regard différent sur l’actualité, notamment locale, et permettre ainsi au lecteur de se forger une opinion en détenant toutes les informations nécessaires.
Il s’agit, et c’est bien ainsi que nous concevons le rôle de la presse et des médias, d’encourager les citoyens à faire œuvre d’esprit critique dans l’appréhension de l’information à l’heure où l’uniformité du traitement de l’information et l’ultra concentration des titres de presse entre les mains de grands patrons tend à rendre cet exercice difficile pour ne pas dire impossible.
Comment peut-on sérieusement penser que la presse n’est pas en crise dans notre pays, et avec elle le pluralisme comme pilier de la démocratie, lorsque que 95% des titres sont détenus par 7 milliardaires en France ?
Peut-on penser qu’une telle concentration aux mains d’industriels et de grands financiers n’exerce pas une influence directe sur les sujets traités, sur les lignes éditoriales malgré les résistances des journalistes, il faut le souligner, et des lecteurs car en France, moins de 40% des gens indiquent faire confiance aux médias dans la transmission de l’information, comment ne pas faire le lien avec le fait qu’elle soit quasi intégralement entre les mains de grands patrons ?
Peut-on enfin imaginer que face à cela, la presse indépendante puisse survivre ou vivre sans être condamner à une forme de marginalité, faute de relayer le message dominant ?
A tort ou à raison, la presse est aujourd’hui perçue par une partie de la population comme un outil au service des puissants délivrant une information déviée au service d’intérêts privés ou de l’idéologie dominante.
Et lorsque que nous avons la chance comme ici d’avoir deux quotidiens régionaux, il est assez facile de pouvoir établir une comparaison dans le traitement de l’info ou d’ailleurs dans son non traitement.
A titre d’exemple mais je le pense toutefois assez parlant, seule La Marseillaise se déplace lors des conférences de presse de lancement des candidatures aux élections à Marseille lorsque les candidats ne font partie ni de l’UMP ni du PS.
La Marseillaise contribue par-là à faire vivre le pluralisme, politique cette fois, dans notre ville, en donnant la parole à celles et ceux qui portent un discours et des propositions en décalage avec l’ordre établi et la doxa libérale.
Elle contribue également à donner de l’ampleur aux luttes sociales, qu’elles soient nationales, mais surtout locales en donnant la parole aux travailleurs, à celles et ceux qui luttent pour leurs droits ou pour leur emploi mais dont trop souvent la parole est balayée ou les propos caricaturés ou moqués, quand ils ne sont pas simplement zappés par les principaux médias.
L’écho des luttes y est bien différent des autres médias, elle permet ainsi le débat d’idées en offrant aux lecteurs de se faire leur propre point de vue.
Elle permet aussi de faire connaitre des initiatives de quartiers, éclaire sur la réalité de la vie dans nos arrondissements ou nos villages sans passer, et on peut l’en remercier vivement, par le seul prisme du fait-divers, mais au contraire en faisant la lumière sur des mobilisations locales qu’ils s’agissent d’actions collectives contre des fermetures de classes ou de services publics ou d’initiatives locales contribuant à la vie de nos quartiers.
Et on peut décliner ses exemples à l’infini, et c’est en partie pour cela qu’un attachement populaire réel demeure à l’encontre de ce journal, pourquoi nous sommes là aujourd’hui et pourquoi les initiatives et les soutiens se multiplient pour que La Marseillaise continue à nous informer dans l’avenir.
Pour les militants de gauche que nous sommes, son rôle pour faire vivre le débat d’idées à gauche et faire grandir les consciences est indispensable.
Pour changer la société, il faut des citoyens informés, conscients du monde tel qu’il est et tel qu’il ne va pas et qu’ils disposent de l’ensemble des éléments pour juger les propositions de celles et ceux qui proposent un autre projet de société.
Avec d’autres journaux nationaux et locaux, elle joue ce rôle d’information et de confrontation indispensable pour faire grandir l’exigence d’une alternative à gauche.
Tous les jours, face à la complexité du monde et surtout face au discours libéral présenté comme inéluctable, le besoin d’analyses et de débats demande plus de pluralisme pour faire face à un paysage médiatique saturé par les mêmes informations standardisées ou les mêmes experts dont on peine parfois à distinguer leurs divergences tant ils se comportent en gardien de l’ordre établi.
C’est une exigence politique, car pour nous communistes, le droit à l’information est une condition de l’intervention citoyenne, mais ce devrait être surtout et avant tout une exigence démocratique portée par l’ensemble des citoyens que nous sommes, celle d’une presse libre, indépendante des puissances de l’argent, apportant un regard et une analyse différente sur le monde dans lequel nous vivons.
Comment dès lors permettre au pluralisme de vivre dans notre pays et à une presse indépendante d’exister sans lutter en permanence pour sa survie ?
Le PCF a longuement travaillé autour de ses questions et ses députés s’en sont saisis à de nombreuses reprises, notamment via un projet de loi déposé par MG Buffet.
Il serait fastidieux, et je n’aurai pas le temps ici, d’en développer le détail, mais il y a toutefois quelques éléments qui sont indispensables dans notre analyse.
Tout d’abord pour nous et plus que jamais, une rupture est indispensable avec la mainmise du libéralisme et la marchandisation de l’information, c’est une exigence démocratique.
Pour cela la loi pourrait renforcer les dispositifs anti-concentration, interdire pour les groupes financiers ou industriels les situations de monopole régional par exemple ou encore interdire aux groupes tributaires de commandes de l’Etat de posséder des médias.
La refondation d’un grand service public de l’information et de la culture participe également de cette exigence en y associant salariés, usagers et élus pour des contenus plus démocratiques et plus représentatifs de la société telle que nous la connaissons.
Mais cela passe également, parce que c’est le nerf de la guerre, par une refonte des financements à la presse. L’Etat doit repenser sa stratégie d’intervention pour permettre la survie et le développement d’une presse d’information politique et générale.
Aujourd’hui les aides vont aussi bien aux titres d’information générale qu’aux journaux de divertissements, nous souhaitons que les aides soient concentrées sur les premiers et proposons également la mise en place d’une TVA différenciée pour les journaux à caractère éducatif, d’information générale ou politique.
Il s’agira aussi d’augmenter l’aide au portage, de travailler à la mise en place d’une coopérative unique de distribution et de mettre en œuvre des politiques permettant, dès l’école, de donner le gout de l’information, de faire grandir l’esprit critique et de développer la citoyenneté.
Les temps ont changé, le paysage médiatique également, il s’agit de de renforcer le rôle de l’Etat comme garant de l’égalité républicaine et de l’expression du pluralisme pour contribuer au redressement d’une presse libre et plurielle, à sa distribution et garantir aux citoyens un égal accès à une presse citoyenne et pluraliste au service de la vie démocratique.