Par Benoît Gilles, le 28 août 2013
Dernier avatar de la mobilisation citoyenne, le comité d’intérêt de quartier Saint Victor-Corderie-Tellène vient de lancer une pétition en ligne contre le projet immobilier qu’une filiale de Vinci, Adim Paca, prévoit d’implanter sur l’espace Corderie, le long du boulevard du même nom. Depuis près d’une décennie, la Ville propriétaire du terrain souhaite y favoriser la construction d’une résidence privée en bordure des anciens remparts bâtis par Louis XIV. Ce projet par deux fois repoussé revient dans la dernière ligne droite avant les élections municipales.
Cette énième mouture a été revue à la baisse à la fois en surface et en nombre de logements. Désormais les trois (au lieu de quatre) bâtiments accolés sont censés libérer de la place notamment pour les espaces verts et permettre une extension du jardins d’enfants et du boulodrome existants. Quant au nombre de logements, il passe de 147 à 108, là encore pour rassurer les riverains effrayés par le mastodonte bétonné qu’ils voyaient dans le précédent projet.
Bien entendu, tout ceci ne suffit pas à calmer l’inquiétude de ces derniers qui souhaitent un destin collectif à ce « poumon vert » du quartier avec jonction avec le jardin de la colline Puget, terrain multisports et autres propositions. « Lors d’une réunion organisée par la mairie de secteur en mai dernier, Patrick Mennucci nous avait affirmé qu’il avait eu la garantie de Jean-Claude Gaudin que le permis de construire de ce projet serait examiné par le futur maire de Marseille, se souvient Jean-Louis Agasta, secrétaire du CIQ de Saint-Victor, invité de notre talk.
Sous le seuil de 120 logements
Les riverains pensaient avoir repoussé à l’après élections le débat sur l’aménagement de l’espace Corderie. Visiblement, il n’en était rien. Le promoteur a conjointement déposé une demande de permis de construire et une demande de lotissement dont les riverains ont découvert l’affichage dans un coin reculé. Le projet est bien sorti des cartons pour s’ancrer dans le réel. Or, certains croient voir un objectif caché dans cette brusque accélération associée à un changement de dimension du projet. C’est le cas du président du groupe communiste à la communauté urbaine, Patrick Magro : « Si le projet du boulevard de la Corderie passe de 147 logements à 108, c’est manifestement pour échapper au seuil de 120 qui impose des logements sociaux depuis l’adoption du PLU de Marseille que j’ai voté ! »
Il alerte alors ses relais marseillais qui réagissent aussitôt. Elu de secteur, Christian Pellicani (Front de gauche) reprend le ton du soupçon : « Les promoteurs ne pouvaient pas ne pas savoir que le plan local d’urbanisme allait imposer un quota de logements sociaux par programme. Ils ont simplement anticipé en réduisant la voilure ». Ce qui suppose qu' »ils » était bien informés : ce n’est qu’en juin, en réponse aux remarques formulées en février par les commissaires enquêteurs, que l’on a appris l’ajout au PLU d’un seuil de 120 logements. Quoi qu’il en soit, le conseiller municipal a déjà fait constater par huissier la non-visibilité de l’affichage public. Il se réserve la possibilité de déposer un recours sur ce thème.
« En tirer le meilleur prix »
Du côté du promoteur et de l’architecte, on se fait soudain discret. Lors de plusieurs réunions publiques, notamment à l’initiative du maire de secteur et du CIQ, ces derniers avaient défendu leur projet et exclu tout logements sociaux. « Il y aura des lots réservés aux primo-accédants », répond le représentant du promoteur en mai dernier à une question d’un riverain. Quant au député Dominique Tian qui représentait le maire lors de ses deux rendez-vous, et notamment devant le CIQ en juillet il assume pleinement le projet : « Ce terrain est idéalement placé, sans construction, personne ne va le garder longtemps comme cela sans rien faire. La volonté de la Ville de Marseille est d’en tirer le meilleur prix, 3 millions d’euros et de faire du logement de qualité avec de l’accession à la propriété ».
Pour être validée, la demande de lotissement doit faire l’objet d’un vote lors du conseil municipal d’octobre. Après cette date, le permis devra recevoir l’avis des mairies centrale et de secteur. Cette prochaine étape offrira aux opposants une fenêtre de tir. « Nous n’excluons pas la possibilité de déposer un recours contre le projet. Même si nous savons que c’est toujours le combat de David contre Goliath ». En tout cas, avec mille signatures (papier et internet), les riverains comptent bien imposer le débat sur ce projet aux candidats aux municipales dans leur secteur.
Par Benoît Gilles, le 28 août 2013