Jean-Marc COPPOLA, Conseiller Municipal de Marseille
Ma réaction au dossier de la Provence paru le 6 avril au sujet des futures municipales à Marseille.
Ce dossier et son titre tournant en dérision la politique « Bienvenue dans le grand cirque marseillais ! » pourraient prêter à sourire, voire à rire, s’il ne s’agissait pas, au fond, de la vie de milliers de Marseillaises et de Marseillais maltraités par des choix et des pratiques politiques érigés en système qui gouverne la capitale phocéenne depuis des décennies.
La politique à Marseille apparaît ainsi comme un grand bazar, une sorte de « tourner en rond », desquels il ne pourrait rien sortir, pour ne pas changer de politique dans cette ville qui ne serait que vouée à sombrer dans les inégalités, au profit d’une petite minorité de privilégiés. Et dont tous les élus confondus n’auraient jamais été que des incapables parce que marseillais. C’est une manière de dire que la politique ne vaut pas grand chose, et à Marseille moins qu’ailleurs. Je ne le crois pas. Véhiculer cela me semble participer à amener dans le mur.
C’est la liberté rédactionnelle de La Provence, que je respecte, mais dont je ne partage absolument pas la façon de traiter un sujet aussi sérieux et d’une telle portée pour l’avenir de 860.000 habitant-e-s dans la deuxième ville de France.
Je suis convaincu que la stigmatisation en tout domaine, efface la complexité des réalités et nie les contradictions qui existent en politique comme dans la vie. Elle ne permet pas le débat d’idées et nourrit l’impuissance de la politique, la pédagogie du renoncement et la résignation. Elle méconnaît l’histoire comme la réalité contemporaine. Elle fait fi des saines controverses politiques, des lignes d’affrontement qui structurent le débat. Et j’en fais trop souvent l’amère expérience dans le récit qui se fait ne serait-ce que des Conseils municipaux : on préfèrera toujours raconter la pagnolade et l’on laissera de côté le reste. Ce n’est pas spécifique à la politique marseillaise mais la carte postale est chez nous plus prononcée encore.
Or, nous vivons dans notre pays, et à Marseille peut-être de manière plus accentuée, une situation de confusions, d’amalgames, qui altèrent voire avarient la démocratie, avec comme conséquences, des difficultés incommensurables à construire une société de vivre ensemble, faite de droits communs et de valeurs partagées.
Il est, pour moi, de la responsabilité de tous ceux censés animer la démocratie, partis politiques, médias, syndicats, mouvement associatif, d’en prendre la mesure et d’œuvrer au respect des uns et des autres et de créer les conditions que chaque citoyenne et chaque citoyen ait tous les éléments pour se forger son opinion afin d’agir pour ce qu’elle et il croit être juste.
Ainsi, à Marseille, la tragédie de la rue d’Aubagne a marqué les esprits, avec la motivation que rien ne doit continuer comme avant. Une prise de conscience s’est opérée. Et surtout une volonté. La volonté de changer de politique et de modifier la façon de la pratiquer, à l’opposé de ce que fait l’équipe municipale actuelle.
Les mobilisations citoyennes nées des problèmes quotidiens vécus par des milliers de familles, particulièrement dans les domaines du logement, de l’habitat indigne, de l’école, esquissent de perspectives nouvelles et intéressantes sur les choix politiques à décider et sur les conditions de leur mise en œuvre.
Je considère d’ailleurs que les relais médiatiques ont contribué efficacement, ces derniers mois, à mettre en avant l’insupportable comme à nourrir ce « possible et urgent changement » qui n’était pas au rendez-vous depuis des décennies.
La méfiance, pour ne pas dire la défiance de ces collectifs citoyens à l’égard des formations politiques et des personnalités politiques de tout bord sont loin pourtant de s’estomper.
Pour autant jour après jour, la volonté de changer radicalement l’ordre des choses à Marseille grandit et mature l’idée qu’il est possible de mener une politique de progrès social au service de toutes et de tous.
Avec cette ambition, une multitude de rencontres s’organise, un foisonnement d’idées émerge, des propositions font irruption sur la scène politique à Marseille. On se cherche, on travaille ensemble, sur un ou plusieurs sujets et surtout dans le respect mutuel.
Des actions collectives comme les manifestations bousculent les rues et les réunions institutionnelles. Des actes communs sont parfois produits, comme le récent communiqué de presse sur le PLUi.
Et sauf à faire de la politique fiction, personne à ce jour ne peut dire ce qu’il sortira des urnes dans moins d’une année.
Personnellement, et parce que mon engagement de militant communiste est basé sur l’intérêt général, l’humanisme, le progrès social et la justice sociale, je suis convaincu que la gagne à gauche est possible à Marseille, mais sous certaines conditions.
Partant de l’état des lieux de Marseille, ville profondément inégalitaire, avec son lot de discriminations, de pauvreté, de précarité et d’exclusion vécues par la moitié de la population, la première condition est de construire un projet rassembleur pour une ville solidaire, fraternelle, accessible, une ville sûre où le Droit et les valeurs fondamentales de la République reprennent toute leur place. Un projet rassembleur avec des priorités, tant le retard est important dans de nombreux domaines. Un projet pour lequel, il est urgent d’appeler toutes les collectivités et au premier chef, l’Etat, pour un grand Plan d’urgence financier dans trois domaines, l’habitat, l’école publique et les transports. Un projet à construire avec les Marseillais-es.
La deuxième condition est que toutes les forces de gauche, progressistes, les collectifs citoyens animés par le bien vivre ensemble, les syndicats, unissent leurs intelligences et leurs moyens à travailler à ce projet autour duquel doit se constituer le rassemblement. Et qu’ensemble nous convainquions cette moitié des électrices et des électeurs de Marseille qui, ne choisissant pas, laisse les mains libres à celles et ceux au pouvoir sans partage, afin de poursuivre leur politique de régression et de ségrégation sociales et territoriales.
La troisième condition est que les femmes et les hommes, citoyen-ne-s, militant-e-s associat-if-ive-s, politiques, syndic-aux-ales, élu-e-s, soient partie prenante de toute cette construction, qui pourrait débuter d’ici cet été, par des Assises « pour une politique de progrès social à Marseille », sans qu’aucune personnalité ne cherche à rassembler autour d’elle, en se présentant comme un sauveur suprême. La préparation et la tenue de ces Assises doivent préfigurer la façon dont nous voulons gérer la ville et est, pour moi, inséparable de la conception que nous devons avoir de la pratique politique nécessaire pour se débarrasser du clientélisme et pour créer les conditions d’une démocratie participative réelle.
Viendra bien entendu le temps de choisir les femmes et les hommes au profil et aux qualités les mieux à même d’incarner cette ambition, cette démarche et ces valeurs. Mais ne grillons pas les étapes. Car une victoire véritable débouchant sur des changements profonds ne pourra pas venir d’un coup électoral.
Toute aventure personnelle ou tout rassemblement qui se constituerait autour d’une organisation, citoyenne, politique, associative ou syndicale, quelle qu’elle soit, vouerait à l’échec le changement nécessaire, avec la responsabilité d’avoir raté la chance qu’ont les Marseillais-e-s de pouvoir vivre mieux.
Ce serait surtout prendre la responsabilité que le système de gouvernance au service de la finance, des grands groupes et des plus riches se perpétue avec la droite, la majorité présidentielle, voire avec l’extrême droite qui se frotte les mains de cette impasse et de la caricature de la politique mais dont elle est, pourtant, partie prenante.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on raconte cette fable à Marseille : les Marseillaises et les Marseillais, ces grands enfants, ne seraient pas capables de conduire leur barque et de s’administrer ; il leur faudrait une tutelle ; le salut ne pourrait leur être apporté que de l’extérieur, que d’en-haut. Je ne crois pas cela, et l’histoire de Marseille montre l’inverse comme le bouillonnement citoyen qui anime aujourd’hui notre ville. Car au fond ce qui gêne, c’est qu’à Marseille, souffle un petit vent rebelle, que l’on essaye à chaque occasion de détourner de ses applications politiques et de réduire à des excès comportementaux que l’on retrouverait sur les bancs du conseil municipal. A l’heure du tweet, du clic, du buzz, j’appelle à ne pas tomber pas dans le panneau : voyons ce qu’ils cachent, situons les contradictions, élevons le débat
Ce qui caractérise la vie politique à Marseille, ce n’est pas d’abord le cirque, que l’on trouve aussi ailleurs parce que les affrontements politiques s’incarnent aussi dans des disputes qui ne sont pas toujours de haut-vol, mais ce sont bien ces inégalités profondes, c’est bien ce profond affaiblissement de la puissance publique et des services publics, c’est bien cette immixtion partout d’intérêts financiers, c’est bien cette façon de tenir les citoyennes et citoyens à l’écart du pouvoir.
Pour conclure les médias locaux, régionaux et nationaux, ont un rôle éminemment utile à jouer, avec leur mission d’information, sans déformer le rôle et la motivation que veulent jouer des actrices et des acteurs qui œuvrent à une Marseille apaisée, prospère et respectueuse de tout humain qui a choisi d’y vivre. Il y en a. Personnellement, je m’y attèlerai au côté de mes camarades communistes