CONSEIL DE LA MÉTROPOLE
SEANCE DU JEUDI 26 SEPTEMBRE 2019
Marc POGGIALE
DÉBAT – GRATUITÉ DES TRANSPORTS EN COMMUN
Madame La Présidente,
Cher(e)s Collègues,
Cette étude a un mérite fondamental : on ne retient plus la traditionnelle fin de non recevoir d’un revers de main sur le thème « la gratuité ça n’existe pas » – ce qui est une évidence en matière de services publics – pour en venir à se poser la question : est-ce que l’usage gratuit des transports publics est soutenable et utile ?
Dont acte de cette nouvelle approche d’un débat qui n’ira qu’en grandissant ; pas seulement pour des raisons électorales, mais surtout parce qu’il touche à comment faire société dans les conditions du 21° siècle ; c’est-à-dire une société égale et respirable pour tout le monde.
Et ce sont là les premières limites de cette étude qui ne traite pas des retombées sociales, environnementales ou encore de santé – notre collègue Luc TALLASINOS y reviendra.
Voilà pourquoi nous faisons la proposition de continuer ce travail par de nouvelles expertises qui intègrent tous les paramètres environnementaux et sociaux, ainsi qu’une analyse poussée des 10 ans d’accès gratuit sur le réseau du Pays d’Aubagne.
Au fond cette étude en arrive à deux conclusions :
La gratuité n’est pas soutenable pour notre métropole, car elle engendrerait un coût supplémentaire de 200 M€.
Et en plus, son utilité n’est pas avérée puisqu’il faudrait surtout répondre à un afflux important de voyageurs, sans de réelles conséquences sur le report modal de la voiture vers les transports en commun, étrangement estimé à 2%.
Permettez-moi de revenir sur ces deux conclusions. D’abord sur l’utilité contestée :
Notre métropole travaille et adopte successivement des plans d’actions sur le climat, le bruit, les déplacements.
Dans tous les cas de figures, l’USAGE DES TC coche toutes les cases pour ses effets très positifs sur l’environnement, le bruit, l’air, la qualité d’une ville apaisée ;
Et notre étude s’inquiète au contraire d’une trop grande augmentation de la fréquentation par la gratuité. C’est le monde à l’envers !
De plus, notre étude nous annonce un report modal des véhicules motorisés vers les transports en commun de 2% en cas de gratuité.
D’où sort cette estimation ? Pas de Dunkerque qui chiffre à 45% les nouveaux voyageurs de la gratuité qui ont abandonné la voiture.
Sort-elle du bilan du Pays d’Aubagne ?
Non ; ni de Dunkerque, ni d’Aubagne, mais d’une étude qu’aurait faite la Région d’Ile de France sur cette question.
Et qu’importe si notre étude se contredit dans sa méthodologie.
D’un côté elle nous dit : il n’y a pas de modèle ; on ne peut pas comparer les tailles et les fréquentations des réseaux qui ont choisi la gratuité avec celui d’Aix-Marseille Métropole.
Et de l’autre, on retient non pas une expérimentation, mais une étude faite par un territoire 4 fois plus étendu que le nôtre, où il y a 13 fois plus de communes et 7 fois plus d’habitants.
Ce n’est pas vraiment crédible.
J’en viens à la question du coût estimé à 200M€ et jugé non soutenable.
L’étude détaille ce coût : Fin des recettes de billetteries – Offres et cadencements à la hausse pour répondre aux nouvelles fréquentations – Perte d’éligibilité au crédit de TVA.
Bien, mais cela appelle deux remarques :
La première, c’est qu’en se cantonnant au seul budget des transports, l’étude ne dit rien sur les retombées économiques et budgétaires positives en matière de santé, de pollution, de voirie, de renouveau urbain, de respiration de nos territoires ; de gain de pouvoir d’achat des familles…
La deuxième plus directement liée à un choix politique :
Oui ça coute – au demeurant comme la création et l’entretien des voiries, des pistes cyclables, des zones piétonnes, dont les usages sont gratuits.
Oui dans les conditions financières imparties à notre métropole principalement par l’Etat, l’équation d’une gratuité est difficile à résoudre, sauf à revoir tous les équilibres budgétaires ou les impôts des ménages déjà bien élevés.
Conclusions de quoi cette étude pousse à enterrer le sujet.
C’est un peu comme si au moment de l’adoption de l’Agenda de la mobilité on avait dit : ca coûte entre 9 et 11 Milliards € ; nous ne les avons pas ; donc on classe le dossier.
Je rappelle de ce point de vue, que nous avons fait plusieurs propositions de financements :
1°) Le gouvernement a voulu des métropoles, il doit leur en donner les moyens.
D’abord en accédant au même taux de Versement Transport que Paris et Hauts de Seine, taux de 2,95 que la région Ile de France a décidé d’étendre à toute la petite couronne d’ici 2021. Soit une recette supplémentaire possible de 160 M€.
L’argument d’un impact négatif sur l’attractivité économique du territoire ne tient pas la route. Le VT a été généralisé à 2% en 2017 sans qu’on enregistre ce type d’impact. Ce qui rend un territoire attractif en matière de transports ce n’est pas le taux du VT mais la facilité à se déplacer.
Ensuite, l’Etat doit nous aider juridiquement et financièrement pour mettre sur pied non pas une SEM, mais un établissement public du style du Grand Paris Express pour la réalisation de nos investissements.
2°) Avec cet établissement dédié, nous proposons l’instauration d’une contribution exceptionnelle d’aménagement pour la durée des investissements de notre agenda, au travers d’une taxe reposant sur l’immobilier d’entreprise, les bureaux et les surfaces commerciales.
3°) La reprise en gestion publique des DSP qui touchent à la mobilité au fur et à mesure des fins de contrats. Par exemple, le Tunnel du Prado Carénage en 2025, dont l’investissement sera totalement remboursé dés l’année prochaine et qui rapporte à ses actionnaires entre 11 et 15 M€ de dividendes.
Ou encore les parkings. Rien que sur Marseille, ces DSP dégagent un chiffre d’affaires autour de 25 M€ pour un bénéfice net de 12,5 % distribuable aux actionnaires.
4°) J’ajoute une quatrième proposition : Puisque l’éligibilité à la TVA sur les dépenses de fonctionnement repose sur la collecte de recettes, nous pourrions décider de maintenir une billetterie pour les voyageurs non résidents de la métropole.
En résumé, nous proposons d’avancer au rythme du possible en recherchant des nouvelles recettes financières et en indexant la gratuité d’accès aux TC sur la réalisation des projets de l’agenda de la mobilité et du PDU à venir.
Avancer vers la gratuité cela veut dire dans l’immédiat :
1°) Sanctuariser toutes les gratuités territoriales et sociales
2°) Après les policiers, élargir cette gratuité aux jeunes et aux étudiants, car le changement de comportements des déplacements est d’abord affaire de génération
3°) Etudier la mise en gratuité de deux tranches horaires liées au travail, matin et soir
4°) Etudier la mise en gratuité des lignes express intercommunales.
Toutes propositions que pourrait travailler une nouvelle étude comme je l’ai évoqué au début de mon propos.