Michel Serres* :
« Cette question du mariage gay m’intéresse en raison de la réponse qu’y apporte la hiérarchie ecclésiale. Depuis le 1° siècle après J.C, le modèle familial c’est celui de l’Eglise, c’est la Sainte Famille. Mais, examinons la Sainte Famille, le père n’est pas le père : Joseph n’est pas le père de Jésus, le fils n’est pas le fils : Jésus est le fils de Dieu, pas de Joseph.
Joseph, lui, n’a jamais fait l’amour avec sa femme. Quant à la mère, elle est bien la mère mais elle est vierge.
La Sainte Famille c’est ce que Levi-Strauss appellerait la structure élémentaire de la parenté
Une structure qui rompt complètement avec la généalogie antique, basée jusque là sur la filiation : la filiation naturelle, la reconnaissance de paternité et l’adoption.
Dans la Sainte famille, on fait l’impasse tout à la fois sur la filiation naturelle et sur la reconnaissance pour ne garder que l’adoption. L’Eglise, donc, depuis l’Evangile de St Luc, pose comme modèle de la famille une structure élémentaire fondée sur l’adoption : il ne s’agit plus d’enfanter mais de se choisir. A tel point que nous ne sommes parents, vous ne serez jamais parents, père et mère, que si vous dites à votre enfant « je t’ai choisi », « je t’adopte car je t’aime », « c’est toi que j’ai voulu ».
Et réciproquement, l’enfant choisit aussi ses parents parce qu’il les aime.
De cette sorte que pour moi, la position de l’Eglise sur ce sujet du mariage homosexuel est parfaitement mystérieuse : ce problème est réglé depuis près de 2000 ans.
Je conseille à toute la hiérarchie catholique de relire l’Evangile selon saint Luc, ou de se convertir. »
*Michel Serres, né le 1er septembre 1930 à Agen (Lot-et-Garonne), est un philosophe, historien des sciences et homme de lettres français.