Article de Marsactu : Par Benoît Gilles, le 18 septembre 2013
Jean-Marc Coppola et Jacques Lerichomme patientent au fond de la brasserie des Danaïdes. Les représentants du Front de gauche, le premier pour le Parti communiste français, le second pour une nouvelle mouvance appelée Tous ensemble (Gauche unitaire, gauche alternative, Fase…), attendent Marie Batoux, du Parti de gauche, troisième composante du mouvement. L’ancienne candidate aux législatives est en retard mais comme « le collectif est la marque de fabrique du Front de gauche« , aucun d’eux ne joue les goujats en commençant sans elle.
Marie Batoux arrive avant que la café soit froid pour présenter la dynamique collective que le Front de gauche a enclenché pour les municipales 2014 et qui se conclut par des Assises citoyennes à la salle des Lices, le 28 septembre prochain. Depuis le début de l’année, ils ont multiplié aux quatre coins de la ville des « assises citoyennes » pour un projet pour Marseille. « L’idée est qu’il n’y a pas de shérif, pas de Zorro, pas de sauveur suprême, la solution pour Marseille est collective, populaire et solidaire. Il faut s’attaquer aux causes profondes. Aujourd’hui, il y a une occultation de la souffrance sourde des inégalités », formule le chef de file des communistes. Il poursuit en appuyant la référence aux primaires socialistes : « On ne conjugue pas nos propositions à la première personne du singulier. Nous ne sommes pas dans un casting ».
L’idée est donc de faire plancher les militants, et plus largement, les syndicalistes, les membres d’associations, les habitants sur un projet pour la ville. « La réunion est ouverte, les portes et les fenêtres », sourit Jacques Lerichomme. Elle se déroulera en trois phases : le sociologue André Donzel sera invité à exposer son analyse de la situation de Marseille, ensuite « un temps de débat plus général » et enfin les « conditions créées » pour mettre en oeuvre ce projet. « C’est-à-dire la stratégie », sous-titre Coppola.
« Contre les politiques austéritaires »
C’est sans doute sur ce dernier point que cela tiraille le plus. Longtemps, les communistes ont été soupçonnés de vouloir céder aux sirènes socialistes comme en 2008 pour continuer à avoir un groupe au conseil municipal. En 2008, la gauche était partie unie au premier tour derrière Jean-Noël Guérini. Mais, depuis, les affaires Andrieux et Guérini sont passés par là. Le clientélisme institué en système est devenu indéfendable (sauf peut-être pour les élus PCF au conseil général). « Les citoyens ne sont pas des clients, ils doivent être associés aux décisions », affirme Coppola. Et l’union avec un parti socialiste « social-démocrate », « qui met en oeuvre une politique austéritaire au plan national », paraît aujourd’hui écartée. « La question est de savoir comment on crée les conditions de rapport de force politique, reprend la dirigeante du PG. Aujourd’hui, c’est l’autonomie au premier tour ».
En revanche, si le PS est hors radar de l’union, le Front de gauche paraît ouvert aux autres tendances. Ainsi, aucun des trois dirigeants ne ferme complètement la porte à la mouvance écologiste qui choisira le même jour ses têtes de liste aux municipales. Autour de Sébastien Barles, certains d’entre eux plaident pour une liste ouverte à la société civile soutenue par Europe Ecologie. Une dynamique similaire à celle qu’a initié le Front de gauche en son giron. Des rapprochements sont donc possibles et potentiellement juteux : selon les trois derniers sondages ÌFOP, aucun des deux partis n’atteindrait seul les 10 % nécessaires pour se maintenir au second tour.
Mais, là encore, les écueils persistent. Certains reprochent aux communistes leurs positions pro-nucléaires, leur productivisme et leur rejet du fédéralisme. Et, problème encore plus épineux, les Verts sont ouvertement pro-métropolitains. « Surtout, ils sont au gouvernement », répond Marie Batoux. « Si nous étions d’accord sur tout, nous serions dans la même formation politique, commente Jacques Lerichomme. La volonté du Front de gauche est de proposer un projet ouvert et citoyen ». Aujourd’hui, si des discussions existent entre tendances vertes et rouges, « ce n’est qu’au niveau individuel », indique Sébastien Barles, « candidat biodégradable ». « Chez nous, l’autonomie ne sera possible que si on est sur une liste très ouverte à la société civile soutenue par EELV, poursuit-il encore. Or, je crois qu’il sera difficile pour le Front de gauche d’abandonner sa marque ».
Après les assises du 28 septembre, chaque parti de la mouvance Front de gauche organisera ses propres réunions pour valider la plateforme programmatique et la stratégie d’autonomie. Les mois qui suivront donneront sans doute lieu à de plus intenses tractations. Jean-Marc Coppola sourit : « Tout est ouvert jusqu’au dernier jour de dépôt des listes ».