La mer n’habite pas seulement Marseille par la présence du port et son importance dans l’histoire de la ville : elle y construit l’environnement urbain. Le paysage de la ville est façonné par la mer de trois façons.
D’abord, la mer et la ville se font, en quelque sorte, face, puisque la mer longe la ville tout le long d’un littoral qui lui fait face du Nord au Sud. C’est le cas de toutes les villes qui se situent au bord de la mer : le long du rivage, l’environnement urbain fait face à ce que l’on peut appeler l’environnement maritime. Ce face à face est, en soi, lourd de sens : il signifie que l’espace de la ville se fonde sur une forme de confrontation avec la mer qui symbolise à la fois la contrainte exercée par la mer, qui est une forme de limite du pouvoir des hommes, et l’ouverture de la ville sur le large, sur le monde.
Par ailleurs, la mer façonne le paysage en structurant l’aménagement de l’espace urbain. C’est autour de la mer, en quelque sorte en l’encerclant, qu’a été aménagé le Lacydon, devenu le « Vieux Port », d’où est née Marseille. Puis, au fil des siècles, c’est en développant les installations et les aménagements portuaires que la croissance de la ville a été scandée par la construction du port, puis par celle des arsenaux, puis par la naissance du port de la Joliette, qui a, en quelque sorte, donné le signal du développement des quartiers du Nord de la ville ?
Enfin, c’est autour de la mer, parce que c’est autour de l’axe qui prolonge la mer, notamment par la Canebière, que la mer a structuré les identités sociales de la ville en construisant l’opposition entre les quartiers du Nord et les quartiers du Sud. C’est autour de la mer que s’est instaurée la confrontation sociale qui fonde l’histoire politique de la ville : c’est ainsi que cet axe autour duquel la ville s’est construite que s’est exprimée, au cours de l’histoire, à Marseille la confrontation entre les classes sociales qui leur a donné leurs identités politiques.
Bernard Lamizet