Par Jean-Christophe MASSÉ, adhérent de Citoyen13.
Métropole ou pôle métropolitain ? Telle serait la seule alternative pour renforcer la coopération intercommunale sur l’agglomération marseillaise. Réduire ainsi la construction métropolitaine à un débat sur la forme juridique que doit prendre cette coopération intercommunale est-il vraiment satisfaisant ?
Je ne le pense pas. Car, au-delà des discours ambitieux et des autres engagements verbaux résolus, une coopération intercommunale voire métropolitaine, se juge d’abord aux actes et à leurs incidences bénéfiques sur le développement économique, social et environnemental pour l’agglomération marseillaise et ses habitants.
Après 2 textes généraux (Métropole ou pôle métropolitain ? – Métropole marseillaise : mais où diable le Préfet veut-il aller ?), je souhaite poursuivre la réflexion sur ce que peut être une ambition métropolitaine pour Marseille et ce, à travers l’évocation de la question dite du pluvial.
Pourquoi le pluvial ?
C’est d’abord une question de méthode. Avant de s’interroger sur ce que la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) pourrait faire en plus de ses compétences actuelles, il faut se poser la question de savoir si la communauté urbaine MPM fait déjà ce qu’elle devrait faire ? Formulé de manière plus juridique, la communauté urbaine assume-t-elle les compétences que la loi lui confère ?
La réponse est négative !
Et je ne parle pas du respect de l’esprit des textes légaux et réglementaires, il y aurait beaucoup à dire à ce propos, mais simplement de la lettre. Le constat est qu’il existe au moins un domaine pour lequel la communauté urbaine n’assume pas ses compétences.
Pourquoi et la faute à qui ? La faute est collective. En 2000-2001, principalement motivée par un opportunisme fiscal, la création de la communauté urbaine a résulté d’un Yalta tant sur les territoires (les communes incluses dans le périmètre de MPM) que sur les compétences.
Par faute collective, j’entends que tous les maires se sont entendus sur ce que ferait la communauté urbaine MPM et sur ce qu’elle ne ferait pas. Et ce, sous l’œil complaisant du représentant de l’Etat qui a laissé faire. Il n’est pas certain que la recherche de l’intérêt général ait été le souci principal de tous les acteurs de cet épisode.
Le pluvial, une compétence obligatoire de la communauté urbaine MPM
L’article L.5215-20 du code général des collectivités territoriales détermine les compétences des communautés urbaines créées après la loi Chevènement, ce qui est le cas de la communauté urbaine MPM. Ainsi :
« I.-La communauté urbaine exerce de plein droit, au lieu et place des communes membres, les compétences suivantes :
5° En matière de gestion des services d’intérêt collectif :
a) Assainissement et eau :
Pour se faire l’avocat du diable, il est vrai qu’il n’est pas écrit « pluvial » en toute lettre dans le texte légal et donc, puisque la compétence pluviale n’est pas explicitement mentionnée, il serait possible de considérer qu’elle reste exercée par les communes.
Sauf que la circulaire du 5 juillet 2001 relative à la mise en œuvre de la loi Chevènement, s’avère particulièrement claire sur le caractère communautaire et non communal de la compétence pour une communauté urbaine :
« La compétence « assainissement » comporte plusieurs missions distinctes.
a) Assainissement collectif :
– collecte et transport des eaux usées : cette mission est assurée au moyen d’un réseau unitaire lorsqu’il est conçu pour recueillir à la fois les eaux usées et les eaux de pluie ou d’un réseau séparatif lorsqu’il est destiné à recevoir uniquement des eaux usées. Dans ce dernier cas, la mise en place d’un deuxième réseau séparatif destiné à recevoir uniquement les eaux pluviales relève également de la compétence «assainissement » lorsque celle-ci doit être transférée de manière globale (voir ci-après).
– épuration des eaux usées : exploitation d’une usine d’épuration destinée à traiter les effluents avant leur rejet dans le milieu naturel ;
– élimination des boues : par épandage agricole, incinération voire mise en décharge.
b) Assainissement non collectif :
Pour les communautés urbaines et les communautés d’agglomération, « la loi mentionne les compétences «eau » et « assainissement » de manière globale. Dès lors, les communautés urbaines (à titre obligatoire) et les communautés d’agglomération (lorsque ces compétences ont été choisies à titre optionnel) sont intégralement substituées aux communes dans chacun de ces domaines. »
Elles sont donc dans ce cas obligatoirement compétentes pour exercer en lieu et place des communes les missions énumérées précédemment. L’intensité du transfert ne peut pas être modulée, la loi n’ayant pas prévu pour ces EPCI que les compétences «eau» et «assainissement» soient sécables. »
Aucune interprétation n’est possible, le pluvial est en droit une compétence de la communauté urbaine MPM. Reste à traduire le droit dans les faits. Car par exemple, pour le budget 2011, la seule Ville de Marseille consacre près 20 M€ pour le pluvial, une partie étant exécuté via une convention de mandat par la communauté urbaine (réseau unitaire).
Le transfert du pluvial doit être un préalable à tout projet métropolitain
Aujourd’hui, ceux qui pensent qu’il faut transformer la communauté urbaine MPM en métropole au sens de la loi du 16 décembre 2010, ont peut-être raison.
Ils ont peut-être raison au sens où le fait métropolitain nécessite un accompagnement institutionnel visant à simplifier et à optimiser la gouvernance sur l’agglomération marseillaise. En clair, mettre un peu d’ordre dans le fatras institutionnel.
Ceci signifie, en particulier, que les compétences des collectivités publiques doivent être traitées au bon niveau, c’est-à-dire par celui qui est capable d’apporter les meilleures réponses en termes de qualité de gestion du service public. Par exemple, les transports urbains ne peuvent être gérés de manière totalement satisfaisante au niveau de la communauté urbaine MPM. Le périmètre optimal de gestion se situe plutôt au niveau de l’aire métropolitaine marseillaise qui couvre une grande partie du département.
Le niveau pertinent de gestion de l’eau ou de l’assainissement ne se situe pas non plus au sein de la communauté urbaine. Ainsi, sans la société d’aménagement régionale dite du canal de Provence qui agit sur une large partie du territoire régional, la ressource en eau de Marseille ne serait pas garantie en toute circonstance.
De même, les écoulements pluviaux se moquent bien des limites administratives. Les ruissellements des eaux pluviales d’Allauch, de Plan-de-Cuques et de Septèmes-les-Vallons ne peuvent, pour une bonne part, que finir à Marseille.
Au-delà même de l’application de la loi, le bon sens pousse de traiter, a minima, la question des eaux pluviales au niveau de la communauté urbaine MPM. Les eaux pluviales, leur collecte et leur traitement, est un enjeu important en matière d’environnement (dépollution), de risque majeur (inondation), de tourisme (plages fermées) voire même de gestion de la ressource en eaux (réutilisation des eaux pluviales).
Prétendre construire la métropole marseillaise en négligeant un tel enjeu n’est ni sérieux ni responsable. Prétendre construire la métropole marseillaise avant d’avoir achevé les transferts de compétence initiaux des communes vers la communauté urbaine ne l’est pas non plus.
Le respect de la loi et la réelle prise en compte de l’intérêt général, doit pousser la communauté urbaine MPM à exiger l’achèvement les transferts de compétence avant d’envisager de passer à une autre étape de la construction métropolitaine.