EDITO
Il est 5h45 ce matin lorsque j’arrive dans le quartier de la Capelette.
L’évènement est l’évacuation et le démantèlement du plus grand camp de Roms de Marseille : 400 personnes.
Comme beaucoup de citoyens j’ai déjà vécu à la télévision ce genre de situation, mais jamais en direct.
Après quelques recherches je me retrouve rue du Panthéon et, je l’avoue, entre le temps orageux, le côté solennel et le nom de la rue, me reviens en mémoire le discours mythique d’André Malraux lors du retour des cendres de Jean Moulin ; et de me dire que les résistants, nos parents, ont payé de leur vie la liberté offerte à tous les peuples de la planète.
Une cinquantaine de personnes sont présentes dont les élus du Front de Gauche Jean Marc Coppola et Christian Pellicani, quelques journalistes et policiers.
Je m’approche et constate que les Roms ne sont plus là…Ils ont disparus, volatilisés ; alors, comme d’autres, je me risque dans ce campement fantomatique et je l’avoue je reste sans voix, abasourdi, ko : comment des êtres humains peuvent-ils vivre dans de telles conditions ? Des tonnes d’immondices, des tessons de bouteilles et des baraques que l’on refuserait à Bogotta ! Comment la 5ème puissance mondiale peut elle accepter cela.
Pour couronner le tout, le nouveau quartier de la Capelette affiche juste à côté avec fierté les nouveaux ensembles immobiliers érigés
Par Bouygues,Vinci, Kaufmann & Broad et Dumez… des centaines de millions d’euros.
Finalement, je m’assoie sur la carcasse d’un lave linge.
Au bout de quelques minutes je distingue dans le noir deux petites silhouettes : il s’agit d’un chat et d’un rat, côte à côte, incroyable !
Ils ont l’air un peu désabusé, le premier semblant dire au second : Qu’allons nous devenir si les Roms s’en vont et qu’il n’y a plus que des tours ? Nous n’aurons plus rien à manger…
Cet évènement surprenant me remet du baume au cœur et je me dis que ce qui est possible entre deux ennemis jurés doit être possible entre les êtres humains.
Sans angélisme stupide, je considère que s’il ne s’agit pas de faire venir toute la misère du monde, il y a suffisamment de richesse et de compétence sur la planète pour éradiquer toute forme de pauvreté.
Le démantèlement se faisant attendre je suis obligé de partir.
Je remonte dans mon coupé sport… et rejoins mon monde de nantis !
Franck PINI
Citoyens 13