Absolument impossible de les rater. Depuis quelques jours, deux immenses drapeaux rouges barrés d’une bande verte flottent sur le centre-ville de Saint-Pierre-des-Corps, donnant à la petite cité de l’agglomération tourangelle des allures de bastide révolutionnaire. Les automobilistes ralentissent, les cyclistes lèvent le nez, les piétons se font des torticolis. A moins de deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle, la campagne prendrait-elle de l’altitude à défaut de profondeur ?
Ces deux étendards en polyester ont été fixés sur la façade de la petite maison qui héberge la section locale du Parti communiste français, au 54 de l’avenue dela République. A ceux qui ne suivraient qu’occasionnellement ce blog, précisons que le PCF « tient » Saint-Pierre-des-Corps depuis toujours, c’est-à-dire le congrès de Tours de 1920. Seulement cinq maires se sont succédé à l’Hôtel de ville depuis le premier élu communiste au prénom de circonstance : Robespierre Hénault.
Tout sauf fortuit, ce pavoisement spectaculaire ne serait évidemment rien sans la dynamique née autour de la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Son instigateur n’est toutefois pas un membre du PCF, mais un compagnon de route dont le métier est précisément de confectionner des drapeaux. « Plasticien du vent » comme il se définit lui-même, Michel Gressier a le « ciel pour cimaises » (nom de son site Internet) : il crée des cerfs-volants, des éoliennes, des vélums ou encore des pavoisements géants à l’image de celui qui orne le pont Wilson à Tours chaque été depuis 1997.
Il y a une semaine, cet habitant de Saint-Pierre-des-Corps est sorti de son atelier avec deux grandes pièces de 3,70 m sur 2,85 m taillées dans une maille à drapeau de couleur rouge. Tant pis si le coloris employé est un peu moins orangé que celui du « rouge communiste » : « Je n’avais pas trop le choix, explique-t-il. Cette teinte est tirée d’un catalogue de 17 couleurs que l’on utilise habituellement pour les pavois des nations. » Michel Gressier a ensuite cousu une bande verte sur ses deux oriflammes afin de les faire ressembler aux drapeaux « officiels » des rassemblements du Front de gauche. Armé de sa perceuse, le plasticien est enfin allé lui-même cheviller des potences sur la maison de l’avenue dela République. Il y est même retourné quelques jours plus tard après qu’un méchant coup de vent ait mis à mal ses fixations.
Au départ, Michel Gressier n’avait pas pensé contribuer de la sorte à la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Suite à une visite de l’Usine (le siège de campagne du Front de gauche, situé aux Lilas) en février dernier, il s’était initialement lancé dans l’élaboration de mailing listes à destination des artistes et autres plasticiens de l’agglomération tourangelle. Son but: les informer de l’importance de la culture populaire dans la société de demain, dans l’espoir de les voir « relayer le message ». Las : « Peu ont suivi, raconte-t-il. J’avais oublié que les créatifs sont des gens très individualistes. » Michel Gressier a alors changé de stratégie. Il s’est rapproché des militants du Front de gauche à Saint-Pierre-des-Corps et les a incités, il y a un mois, à organiser une retransmission sur écran géant d’un meeting de Jean-Luc Mélenchon. Ce jour-là, l’artiste avait décoré les abords de la salle associative avec des vélums multicolores.
Quand s’est ensuite posée la question d’enjoliver la façade (tristounette) de la permanence du PCF, l’artiste n’a pas hésité un instant à faire ce qu’il sait le mieux faire. « On voit bien que les gens en ont marre de la politique, qu’ils s’en désintéressent, allant même jusqu’à la juger coupable, estime Michel Gressier. Vu que les autres partis sont dans l’austérité, mon idée était tout simplement de ramener un esprit festif à la politique. »